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Le Club Med à l’heure de la distanciation sociale

Touché de plein fouet par la pandémie de coronavirus, le leader mondial des vacances « tout compris haut de gamme », se déclare prêt à rouvrir au plus vite l’ensemble de ses villages. Moyennant quelques restrictions dans ses prestations et nouvelles contraintes imposées à ses GM (Gentils Membres). « Tout va continuer à fonctionner, mais différemment ! », confie Jean Susini, directeur sécurité sûreté monde du pionnier français des villages-clubs créé il y a tout juste 70 ans, lors d’une interview exclusive à En Toute Sécurité.

Un pari difficile dans un monde désormais régi par les règles de distanciation sociale, pour ce spécialiste du loisir et du lâché prise, qui prône notamment la rencontre de nouvelles personnes lors de cours de sports, autour d’un apéro au bar, au restaurant ou sur la piste de danse…

« Tous nos resorts ont été fermés, dont le premier en Chine, dès la fin du mois de février. Mais depuis la mi-mai, quatre ont déjà rouverts dans ce même pays. Et nous nous sommes largement inspirés de l’expérience de ces réouvertures pour adapter les process que nous allons mettre en place à la spécificité de chacun de nos sites et à la réglementation des pays où ils sont implantés. Même si ces dernières évoluent de jour en jour », explique le directeur sécurité.

« Nous sommes cependant d’ores et déjà prêts à ouvrir dès début juillet une partie de nos sites en France, peut être mi-juin pour notre village aux Etats-Unis. On se pose également la question, en termes de dates pour la Grèce, l’Italie et la Turquie, etc. Tout dépendra des conditions sanitaires locales, des dates d’ouvertures des frontières, de la reprise du trafic aérien et de certaines mesures nationales, comme d’éventuelles mises en quarantaine des voyageurs étrangers. Tout cela évolue d’heure en heure. Et je pense que la France, globalement, n’en fait pas plus, ni moins en termes de précautions dans le cadre du déconfinement, par rapport aux autres pays dans le monde », ajoute Jean Susini.

 

Les GO porteront tous un masque

Pas une minute à perdre pour le spécialiste des vacances sans contraintes, dont la plupart des 4 500 salariés sont au chômage partiel depuis plus de deux mois. De plus, les réservations pour les mois à venir sont au plus bas. Il s’agit de redémarrer l’activité au plus vite, notamment auprès d’une clientèle chinoise qui se révèle la première derrière la France, avec 243 000 touristes par an.

Pas question cependant de revenir totalement au monde d’avant. « Nous avons rédigé de nouveaux standards opérationnels qui ont été validés par un comité scientifique avec qui nous travaillons depuis plus de cinq ans », affirme le directeur sûreté du groupe. Symbole de cette révolution réglementaire : les GO (Gentils Organisateurs), réputés pour leur entrain et leur dévouement, devront désormais tous porter un masque lorsqu’ils animeront une activité.

« Quand je regarde ce qui se passe dans le monde, il me semble que nos clients devront également porter un masque dans les espaces communs, salles de restauration mises à part », prévoit Jean Susini. L’entreprise n’imposera pas, comme en Chine, à chacun des GM de montrer qu’il est sain par l’intermédiaire d’un QR code à trois couleurs. Chaque village dispose de thermomètres électroniques, ce qui permettrait d’isoler dans sa chambre un GM présentant un symptôme d’infection.

Ces process post-covid concernent également la restauration. Terminés les buffets à volonté où l’on pouvait déambuler en toute liberté… Les sens de circulation seront désormais balisés par un marquage au sol, les clients ne pourront plus se servir eux-mêmes et les portions individuelles seront privilégiées. En outre, les protocoles de désinfection des chambres et des espaces communs seront renforcés.

« La société d’audit E.Cristal International Standard a créé un référentiel Covid-19 que nous avons annexé à notre contrat de prestation existant. Nous avons pu comparer nos protocoles avec leur référentiel pour atteindre le niveau souhaité. L’obtention de la labellisation est en cours. L’ensemble de nos établissements seront audités préalablement à leur ouverture puis tous les deux mois, hormis ceux implantés en Chine qui répondent déjà à des contraintes et une règlementation locale drastiques dans ce domaine », annonce Jean Susini.

 

Hammams et jacuzzis resteront fermés

Les restrictions se feront également ressentir au niveau des activités proposées. La plupart seront maintenues, mais limitées en termes de nombre de personnes pouvant y participer. Certaines, comme le tir à l’arc par exemple, nécessiteront des procédures de désinfection après chaque utilisation de matériel. Les hammams et jacuzzis resteront fermés. Quant à l’ouverture des piscines et des plages, elles restent tributaires des décisions des autorités locales.

 

Le Club Med en chiffres

 

  • Présence dans 26 pays répartis sur cinq continents (43 resorts en Europe et Afrique, 12 en Amériques et 13 en Asie) ;

 

  • 1,34 million de clients ;

 

  • 23 000 GO (Gentils Organisateurs) et GE (Gentils Employés) de 110 nationalités différentes ;

 

  • CA de 1,17 milliard d’€.

 

 

 

Les soirées et les animations qui ont également fait la réputation du club, devront également se plier aux contraintes de distanciation sociale. « Au traditionnel grand spectacle pour tous, nous allons privilégier plusieurs happenings : one man show, concerts solo, magie avec une personne sur scène. L’idée étant de continuer à se divertir en respectant les mesures de distanciation », dévoile Jean Susini.

Une démarche globale qui a obligé le Club Med, comme toute entreprise dont l’activité consiste à accueillir du public, à diminuer son taux d’occupation. « Il sera compris cet été entre 65% et 70%. 65 % pour nos établissements relevant plus de l’hôtellerie classique comme nos resorts de montagne. 70% pour ceux bénéficiant d’infrastructures plus ouvertes et implantées sur des sites plus étendus comme à la Palmyre Atlantique par exemple », affirme le directeur sécurité.

De même, l’ensemble du personnel va être préparé et formé grâce à la mise en place d’un programme de e-learning afin de leur expliquer cette nouvelle manière de fonctionner. Il devra également apprendre l’utilisation des gants ou la mise en place des gestes barrières. Enfin, chaque village bénéficiera d’un ou deux référents Covid-19, ainsi qu’un médecin et d’une infirmière en permanence.

Malgré ces nombreux « coups de canifs » donnés à son concept de vacances basé sur la convivialité, venant s’ajouter aux récentes contraintes liées au risque terroriste (voir notre enquête parue dans ETS n°625), le Club Med reste pendant confiant quant à la reprise et à l’avenir de son activité. D’autant que le groupe estime aujourd’hui que son modèle de séjour dans un lieu unique et protégé, tout en restant largement tourné vers le plein air, devrait largement séduire des familles entières marquées par les longues périodes de confinement imposées par l’épidémie du coronavirus.

 

Jean Susini : un spécialiste de l’hôtellerie

Fils de diplomate, Jean Susini a beaucoup voyagé à l’étranger. Titulaire d’une licence de droit, il travaille ensuite dans le secteur de l’hôtellerie, notamment pour des groupes internationaux comme Accor ou Envergure. Il entre au Club en 2001 et lance le concept festif OYYO, un village réservé aux fêtards de 18 à 30 ans en Tunisie. Il est ensuite nommé directeur des opérations à Barcelone, puis à Dakar, avant de succéder à Xavier Graff comme directeur de la sûreté en 2001, ayant un périmètre d’activité monde.

Enquête réalisée par Pierre-Olivier Lauvige